Depuis le 5 mai, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) sont témoins d’une reprise des affrontements dans la zone de santé de Bambo, ainsi qu’au sud de la zone de santé de Kibirizi en territoire de Rutshuru.
Les combats ont d’abord éclaté sur l’axe sud Tongo–Kibirizi, entraînant quelques mouvements de population. La situation s’est fortement détériorée à partir du 15 mai, avec des affrontements impliquant des armes lourdes jusque dans le centre-ville de Bambo. Ce jour-là, une grande partie de la population s’est réfugiée à l’hôpital. Si la majorité est rentrée chez elle après cet épisode, les tensions ont continué d’escalader. Les différentes parties au conflit ont renforcé leur présence, ce qui a provoqué de nouveaux affrontements.
Depuis le 17 mai, MSF observe un afflux massif de personnes déplacées vers le centre de Bambo. Certains villages auraient reçu des ordres d’évacuation, tandis que d’autres habitants se déplacent de manière préventive.
Les équipes MSF poursuivent la collecte de données sur la situation. À ce jour, environ 500 ménages se sont réfugiés dans des écoles ou des églises, transformées en abris temporaires. Plus de 4 000 ménages seraient hébergés par des familles d’accueil.
« La situation dans les sites informels est particulièrement préoccupante. Les ménages sont arrivés presque bredouilles et font face à de nombreuses difficultés, notamment le manque de récipients pour l’eau, l’absence de savon et de produits d’hygiène, ainsi qu’un nombre insuffisant d’installations sanitaires. La situation est similaire dans les familles d’accueil », décrit Matilde Gueho, cheffe de programme adjointe de MSF au Nord-Kivu.
« Cet afflux de population exerce une pression sur des ressources déjà limitées, tant en matière d’accès à l’eau, à l’hygiène qu’à la nourriture. Tous les ménages – qu’ils soient déplacés ou résidents de Bambo – voient leur accès aux champs fortement restreint. Dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu, les gens risquent leur vie pour aller glaner quelques fruits ou haricots encore disponibles. L’approvisionnement alimentaire est clairement insuffisant pour l’ensemble de la population », poursuit-elle.
Cette situation affecte directement la capacité de mouvement de MSF et l’assistance apportée dans la zone. Les activités habituelles de soutien aux centres de santé périphériques ont été largement perturbées par les combats. Néanmoins, les équipes MSF poursuivent leur travail à l’hôpital général de référence de Bambo ainsi que dans les centres de santé encore accessibles. L’organisation envisage d’élargir son offre de soins, initialement centrée sur les patients pédiatriques.
En dépit des interruptions liées aux affrontements, les équipes MSF ont réussi à finaliser la campagne de vaccination contre la rougeole durant la première quinzaine de mai. Près de 40 000 enfants de moins de 15 ans ont ainsi été vaccinés.
MSF appuie la zone de santé de Bambo dans la prise en charge des enfants souffrant de malnutrition et de rougeole à l’hôpital général de référence de Bambo. Le 15 mai dernier, les équipes y ont soigné une vingtaine de blessés, dont la majorité étaient des civils atteints par des balles perdues ou des éclats d’artillerie et d’autres armes lourdes imprécises.
« Nous sommes particulièrement inquiets à l’idée que de nouveaux affrontements puissent entraîner davantage de victimes collatérales selon le même schéma. Ces patients ont été pris en charge à l’hôpital de Bambo ; les cas les plus graves ont été référés vers notre hôpital de référence à Rutshuru pour une prise en charge chirurgicale. Certaines de ces références ont été retardées en raison de conditions de déplacement extrêmement difficiles, mais nous avons pu en transférer plusieurs, » explique Matilde Gueho.
L’hôpital a utilisé une grande partie de ses stocks pour soigner les blessés. MSF s’efforce de réapprovisionner l’établissement en fonction des fenêtres d’accès disponibles, mais cela exige une réactivité immédiate. MSF demeure profondément préoccupée par la possibilité de nouveaux affrontements dans des zones densément peuplées, susceptibles de provoquer encore plus de victimes civiles.
Par ailleurs, les équipes MSF basées à Kibirizi se préparent également à d’éventuels afflux de blessés et de personnes déplacées. Il est important de noter que la zone de Kibirizi a récemment signalé des cas de choléra, liés en grande partie à de mauvaises conditions d’hygiène dans les sites de déplacement et les familles d’accueil.
La zone de santé de Bambo est confrontée à plusieurs pathologies, notamment le paludisme, les infections respiratoires aiguës et la malnutrition. En raison de réductions de financement, certains acteurs ont dû se retirer ou réduire considérablement leurs activités.
MSF demeure particulièrement préoccupée par la situation nutritionnelle. Son unité de traitement intensif pour enfants souffrant de malnutrition sévère avec complications fonctionne actuellement au-delà de sa capacité d’accueil. Avant même les déplacements massifs survenus la semaine dernière, une extension avait déjà été réalisée pour atteindre une trentaine de lits.
Les capacités d’accueil de l’hôpital étant déjà très limitées, un éventuel afflux de patients nécessiterait un renforcement urgent de la prise en charge au niveau ambulatoire.
MSF réitère son appel à toutes les parties au conflit pour qu’elles respectent les structures de santé, garantissent l’accès humanitaire et assurent la protection des civils. L’organisation exprime également son inquiétude face à la précarité de la situation humanitaire et appelle les autres acteurs à se mobiliser davantage.
Lifeinfos/MSF