Dans le territoire de Fizi, province du Sud-kivu en République Démocratique du Congo, Médecins Sans Frontières (MSF) mène une double bataille, contre le paludisme et contre le choléra. Alors que les affrontements armés déplacent des milliers de familles et que plusieurs ONG ont quitté la zone faute de financements, MSF reste l’un des acteurs à répondre aux besoins urgents des populations.
Paludisme, une épidémie qui frappe les plus vulnérables
Entre août et novembre, les équipes de MSF à Baraka et Loveba ont soigné plus de 19 000 patients atteints de paludisme. La saison des pluies favorise la prolifération des moustiques, et les enfants sont les premières victimes.
Aline, réfugiée dans le camp de Mulongwe, raconte, « Ma fille Adelphine lutte contre la malaria à l’hôpital de Baraka. Nous n’avons plus de champs à cultiver, le conflit nous a tout pris. »
MSF a installé cinq points de dépistage et de traitement, mais les moyens restent insuffisants. Le programme national de lutte contre la malaria, autrefois soutenu par le Fonds mondial, est affaibli par la baisse des financements. Résultat, MSF est devenu le principal fournisseur de médicaments antipaludiques dans la région.
« Trop de patients arrivent trop tard, avec des formes graves », déplore Marta Santu, responsable médicale. Elle cite le cas d’un enfant de trois ans, arrivé à pied avec sa grand-mère après 20 km de marche, en état d’anémie sévère.
Dans le centre de traitement de Baraka, MSF a pris en charge des dizaines de patients souffrant de diarrhées aiguës et de déshydratation. « Le problème, c’est l’eau », explique le docteur Christian Rajabu. Faute d’infrastructures fiables, la population s’approvisionne directement dans le lac Tanganyika ou les rivières, favorisant la contamination.
Pour endiguer l’épidémie, MSF a installé 31 points de chloration de l’eau, désinfecté 13 pompes manuelles et mené des campagnes de sensibilisation. En quelques semaines, le nombre de cas a chuté de 55 %. L’épidémie est désormais sous contrôle, mais sans investissements durables dans l’accès à l’eau et l’assainissement, le risque reste élevé.
Déplacements entravés et accès humanitaire limité
Les combats entre l’armée congolaise (FARDC), les milices Wazalendos et les Twigwaneho ont provoqué le déplacement de plus de 20 000 personnes vers Baraka. Mais l’accès aux soins est entravé par les postes de contrôle des groupes armés et le manque de moyens de transport.
Les routes inondées autour du lac Tanganyika compliquent encore la situation. Les médicaments doivent désormais transiter par le Rwanda, la Tanzanie et le Burundi, un détour de plusieurs jours qui ralentit l’approvisionnement.
Une urgence humanitaire prolongée
MSF continue d’intervenir malgré les obstacles logistiques et sécuritaires. Mais l’organisation alerte : sans soutien international, les efforts resteront fragiles. Les populations déplacées, isolées par les combats et privées d’accès aux soins, demeurent particulièrement exposées.
Par Sylvie NABINTU





