Environnement

Sud-Kivu : Les chercheurs appellent toutes les parties prenantes à sauver le Parc Kahuzi-Biega, 55 ans après sa création

Dans le cadre de la semaine dédiée au Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB), un café scientifique s’est tenu vendredi 28 novembre 2025 à Bukavu pour marquer le 55 anniversaire de ce site inscrit au patrimoine mondial de lUNESCO. Chercheurs, gestionnaires du parc, partenaires techniques, étudiants et membres de la société civile se sont réunis autour d’une même table pour dresser l’état des lieux de ce joyau écologique menacé.

Le directeur du site, Arthur Kalonji, renseigne que l’objectif de cette rencontre était d’évaluer l’évolution de la couverture forestière, de mesurer l’impact des crises sur la richesse floristique et faunique, et de réfléchir aux pressions qui pèsent sur le parc.

Un patrimoine unique mais fragile

Le Prince Kalem, directeur scientifique au Centre de Recherche en Sciences Naturelles de Lwiro (CRSN Lwiro), a rappelé que le PNKB abrite une biodiversité exceptionnelle. On y recense entre 200 et 300 espèces de mammifères, ainsi que de nombreux reptiles, amphibiens et oiseaux. Une grande partie de ces espèces est menacée d’extinction, tandis que plusieurs sont endémiques, c’est-à-dire qu’elles n’existent nulle part ailleurs dans le monde.

Cependant, les crises sécuritaires et environnementales ont eu des effets dévastateurs. Selon des études basées sur des images satellitaires, près de 1 000 hectares du parc ont déjà été détruits, principalement au niveau du couvert végétal. Cette déforestation massive menace non seulement la faune et la flore, mais aussi les populations riveraines qui dépendent des rivières et des services écosystémiques fournis par le parc.

Pour sa part, professeur Bertin Murhabale , chef du département des sciences et gestion de l’environnement à l’Université de Bukavu, et l’un des intervenant du jour a dressé un constat alarmant. Les gorilles de Grauer ont perdu environ 60 % de leur population, les chimpanzés de l’Est ont diminué de 22 %, et les éléphants de forêt ont quasiment disparu, avec une perte estimée à 90 %.

« L’image du parc aujourd’hui est celle d’une désolation marquée par la destruction », a-t-il déclaré, soulignant que les multiples crises sécuritaires et politiques ont fragilisé l’habitat naturel des espèces emblématiques.

Au-delà des menaces écologiques, les intervenants ont insisté sur le rôle des acteurs politiques dans la protection du parc. Le corridor écologique de Nindja, vital pour la survie des espèces, est occupé à 80 % par des fermiers liés à des politiciens. « Ils doivent comprendre que ce corridor est capital pour la survie des espèces du PNKB », a martelé Murhabale.

Pour atténuer la pression, les scientifiques recommandent avant tout la fin de l’insécurité. La présence des groupes armés favorise la destruction, le braconnage et empêche les descentes sur le terrain nécessaires à une évaluation précise. Le PNKB, patrimoine mondial, ne doit pas être abandonné.

Les participants ont conclu par un appel aux autorités et à la population locale. Les chercheurs congolais ont rappelé que leur rôle est non seulement de documenter l’état actuel de la faune et de la flore, mais aussi de contribuer à l’éducation des communautés riveraines pour préserver cette richesse unique.

La rencontre s’est tenue dans la salle de réunion de l’hotel Bache Palace situé à Lobotte dans la commune d’Ibanda.

 

Par Sylvie NABINTU 

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