Les incendies survenus à Mulambula et Chikonyi dans la commune de Bagira n’ont pas seulement réduit des habitations en cendres. Ils ont ouvert la voie à une crise sanitaire silencieuse qui frappe de plein fouet les plus vulnérables, femmes, enfants et personnes âgées. Privés d’abris, les sinistrés dorment à la belle étoile, exposés au froid et aux intempéries. Les toux se multiplient, les fièvres apparaissent et les infections respiratoires progressent.
« Mes enfants toussent chaque nuit. Nous n’avons plus de couvertures, plus de toit. Quand il pleut, nous sommes trempés. Leur santé se dégrade, mais je n’ai pas d’argent pour les soigner », témoigne une mère, les yeux rougis par la fatigue. Ces blessures invisibles, causées par le froid et l’humidité, s’ajoutent aux brûlures laissées par les flammes. Les cicatrices ne marquent pas seulement la peau, elles affaiblissent les corps.
Yvonne Mulihano, mère de dix enfants, confie sa détresse, « En tant que femme, je manque de tout pour ma protection, même durant mes menstruations. Les risques d’attraper des maladies sont très élevés. »
Une autre sinistrée, visiblement malade, raconte avec peine, « Cela fait trois jours que je souffre, mais faute de moyens, je ne suis pas allée à l’hôpital. Je sens que mon corps s’affaiblit. Que Dieu me vienne en aide. »
Privées d’eau potable, les familles consomment une eau souillée. Les femmes parcourent de longues distances pour remplir des bidons dans des sources insalubres. Les conséquences sont dramatique, diarrhées, choléra, infections urinaires. Trois décès d’enfants liés au choléra ont déjà été enregistrés. Les femmes, quant à elles, souffrent de maladies gynécologiques dues au manque d’hygiène et à l’absence de toilettes.
« Nous n’avons pas de toilettes. La nuit, nous allons dans les parcelles ravagées par le feu, à ciel ouvert pour nous soulager. C’est dangereux et humiliant. J’ai déjà eu des infections, mais je n’ai pas les moyens d’aller à l’hôpital », confie une jeune femme sinistrée.
Le Dr Willy Wandanda, spécialiste en physiothérapie et réflexologie, responsable du centre hospitalier Yesu Mwema à Mulambula, tire la sonnette d’alarme : « Les femmes développent des infections graves. Les enfants meurent de diarrhées et de choléra. Si rien n’est fait, la situation va s’aggraver. » Il signale également une recrudescence de la rougeole dans cette partie de Bagira et appelle les autorités sanitaires, l’OMS et l’UNICEF à intervenir d’urgence.
La zone ne dispose que de deux centres de santé, Uhaki et Kahero, situés à plusieurs kilomètres des sinistrés. Pour le Wandanda, le centre de santé Muhabwa, doté d’un bon corridor, devrait être autorisé à organiser des campagnes de vaccination gratuites afin de sauver des vies.
Dignité bafouée
Au-delà des maladies, c’est la dignité qui est mise à mal. Sans toilettes, les femmes et les jeunes filles sont contraintes de se soulager dans la nature, souvent la nuit, exposées aux dangers et aux infections. Les menstruations deviennent un calvaire : sans eau propre ni produits d’hygiène, les adolescentes souffrent en silence, parfois contraintes d’abandonner l’école.
Les incendies ont ainsi aggravé une précarité sanitaire déjà existante, transformant le quotidien des sinistrés en une lutte permanente contre la maladie et la honte.
BALIBONERA David





