En 2024, 15 000 jeunes de moins de 25 ans ont contracté le VIH en République démocratique du Congo, dont plus de 9 000 enfants de moins de 15 ans. Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de 20 ans, cette jeunesse nombreuse et pleine de promesses reste fortement exposée au virus, principalement à cause d’une prévention insuffisante de la transmission mère-enfant durant la grossesse, l’accouchement ou l’allaitement.
Malgré les avancées, la lutte contre le VIH reste semée d’embûches pour cette génération. Le Dr Gisèle Mucmya, coordinatrice médicale du projet VIH de MSF à Kinshasa, souligne les défaillances de la prévention mère-enfant, l’insuffisance du traitement pédiatrique et l’accès limité au dépistage.
Les tests ne sont pas toujours disponibles, le dépistage volontaire est souvent payant, et la loi interdit aux mineurs de se faire dépister sans l’autorisation d’un parent ou tuteur. Résultat : trop de jeunes découvrent leur statut tardivement, avec des formes avancées de la maladie.
Au Centre hospitalier de Kabinda, 489 patients suivis ont moins de 25 ans, dont 344 mineurs. Derrière ces chiffres, des histoires de souffrance et d’isolement.
Raïssa, 22 ans, raconte, « J’ai appris que j’étais porteuse du virus à 15 ans. Très vite, j’ai été rejetée, même par ma famille. Je ne sortais plus de ma chambre. Tout s’effondrait autour de moi, simplement à cause du regard des autres. »
Comme elle, beaucoup d’adolescents vivent une double peine : la maladie et la stigmatisation, qui entraînent parfois l’abandon du traitement vital.
Pour briser ce cercle, MSF et l’association congolaise Jeunesse Espoir ont lancé en 2019 les clubs des jeunes. Ces espaces confidentiels et conviviaux, reliés à des structures de soins, permettent aux adolescents et jeunes adultes vivant avec le VIH d’échanger entre pairs, de s’entraider et de renforcer leur adhérence au traitement.
Aujourd’hui, 83 jeunes âgés de 12 à 25 ans fréquentent ces clubs dans quatre communes de Kinshasa. Les résultats sont parlants : en 2024, près de 80 % des membres avaient une charge virale supprimée, contre 71 % en 2019.
Les clubs offrent bien plus qu’un accompagnement médical. Ils sont des lieux d’écoute, d’apprentissage et de reconstruction personnelle.
Kenny, 22 ans, témoigne, « Pour moi, le club, c’est comme une grande famille. Grâce aux échanges, j’ai appris à accepter mon statut. Aujourd’hui, je vis sans honte. Je me sens libre, capable de tout faire.»
Au-delà de l’accompagnement individuel, ces clubs ont un impact social. Certains jeunes deviennent animateurs ou relais communautaires, sensibilisant leurs pairs au VIH et encourageant le dépistage. D’autres s’engagent comme médiateurs pour aider à surmonter les difficultés sociales.
MSF a mené en 2024 une recherche opérationnelle confirmant l’efficacité du modèle. Mais son avenir dépend des ressources disponibles. Les financements internationaux, notamment du PEPFAR et du Fonds mondial, sont en baisse, fragilisant les initiatives locales.
« Nous avons la preuve que cela fonctionne », insiste le Dr Pulchérie Ditondo. « Ce modèle peut maintenir les jeunes sous traitement, éviter les formes avancées de la maladie et renforcer la prévention dans toute la communauté. »
Au-delà des chiffres, les clubs incarnent une révolution silencieuse : celle d’une jeunesse qui refuse la fatalité et la stigmatisation pour reprendre en main son avenir. Ils montrent qu’en investissant dans des approches simples, communautaires et centrées sur les besoins réels des jeunes, il est possible de transformer la lutte contre le VIH en une bataille pour la santé, mais aussi pour la dignité et l’espoir.
Chaque jour, de nouveaux visages émergent : ceux de jeunes qui retrouvent confiance, sortent de l’ombre et brisent les chaînes du silence et de la honte. La clé de la lutte contre le VIH en RDC, comme ailleurs, se trouve peut-être là : dans la force, la solidarité et le leadership des jeunes eux-mêmes.
Rédaction





