Aujourd’hui, nous vous présentons le témoignage d’un jeune congolais dont la détermination et la passion pour l’environnement l’ont conduit à franchir une étape remarquable, après une année de formation internationale intensive consacrée à la restauration des paysages forestiers, il est désormais reconnu comme expert dans ce domaine. Son parcours illustre la force de la jeunesse congolaise et africaine, capable de transformer les défis écologiques en opportunités de renouveau et d’espoir pour nos communautés.
Sylvie: Bonjour Monsieur Justin Nkumbarhi,
Lifeinfos est heureux de vous recevoir dans sa rubrique Jeune, qui met en lumière les initiatives et les parcours inspirants des jeunes engagés. Vous avez récemment participé à une formation internationale intense d’une année sur la restauration des paysages forestiers, expérience qui vous a valu d’être reconnu aujourd’hui comme expert dans ce domaine. Nous aimerions revenir avec vous sur ce parcours, vos acquis et votre vision pour l’avenir.
Justin: Justin Murhula, est un citoyen congolais. J’ai un master en économie de l’environnement et des ressources naturelles à l’Université Catholique de Bukavu. Je suis chercheur en nouvelle économie de la restauration des paysages, journaliste et activiste environnemental. Je sus également impliqué dans les activités de protection de l’environnement par le développement des chaines de valeur durable.
Sylvie: Qu’est-ce qui vous a motivé à participer à cette formation internationale sur la restauration des paysages forestiers ?
Justin: En 2024, l’Agence Suédoise des forêts a lancé un appel à formation pour les acteurs impliqués dans les activités de restaurations de paysages de la RDC, du Togo, du Burkina Fasso et du Sénégal. Etant un chercheur en économie de l’environnement et activiste environnementaliste, j’ai postulé à cette opportunité. Après une étude minutieuse de nos dossiers, j’ai été sélectionné. Ma motivation a été d’apprendre comment les autres appréhendent la question des restaurations des paysages forestiers. Le modèle Suédois, est un cas aussi intéressant à connaitre surtout via ses actions en termes de restauration des paysages. Son approche est une restauration basée sur le marché, sur le développement des chaînes de valeur durable. En terme simple, pour que les communautés participent à des activités de restauration de leurs forêts, elles doivent se rassurer que leurs moyens de subsistances soient pris en compte. A défaut de quoi, les activités ne peuvent aboutir. L’autre motivation est que je travaille avec les acteurs de la restauration des paysages qui sont financés par l’ONG américaine World Ressources Institute, qui m’a dalleurs recommandé à cette formation.
Sylvie: Comment décririez-vous votre parcours avant la formation, et en quoi cette expérience a marqué un tournant ?
Justin: Avant la formation j’ai été impliqué dans plusieurs projets de restauration de paysages, mais aussi de développement de chaine de valeur au sein des coopératives agricoles. Avant, j’étais d’accord, que planter les arbres était suffisant pour lutter contre le changement climatique. Bien des acteurs pensent toujours qu’il suffit de venir dans un village et de commencer les pépinières, dire aux habitants de planter les arbres. Durant bien des années, c’est cette approche qui a été utilisée, la preuve est que plusieurs années après quand vous revenez dans la zone, la situation est pire qu’avant. Avec une approche d’implication des communautés (choix des espèces, choix de lieux, formations,), de développement de chaine de valeur durable, de pris en compte des droits des hommes et des femmes, l’implication des jeunes et des peuples autochtones et la prise en compte de la gouvernance locale, les résultats de restauration des paysages forestiers peuvent être palpables. En synthèse, les activités de restauration des paysages vont de pair avec le développement des moyens de subsistances des communautés.
Sylvie: Quels défis personnels avez-vous dû surmonter pour suivre une formation aussi intense pendant une année?
Justin: A dire vrai, cette formation d’une année n’a pas été facile. En plus de mon travail de chaque jour comme coordinateur RDC du projet restore local au sein de l’organisation Américaine World Ressources Institute, mes travaux de recherches en économies de l’environnement et ma passion de journalisme environnemental, il fallait suivre cette formation dont une partie était en ligne et une autre en présentiel. Nous sommes allés à Dakar, en Suède et à Lomé pour alterner théories et pratiques. Le plus grand défi a été le temps, la connexion internet et surtout la situation sécuritaire. Il fallait faire le terrain pour l’élaboration du projet de changement. Malgré l’insécurité je suis allé à Idjwi rencontrer les communautés et d’autres parties prenantes qui sont impliqués dans la restauration de la réserve de Nyamusisi. C’est sur base de projet de changement, validé par les coachs et l’équipe de LocoForest que j’ai été certifié.
Sylvie: Quelles compétences techniques ou méthodologiques avez-vous acquises qui vous semblent essentielles pour restaurer un paysage forestier ?
Justin: Pour être honnête, j’ai beaucoup appris. Dans le contexte de la RDC, mettre le marché au centre des activités de restauration de paysages est une approche innovante. Une restauration sans développement des moyens de subsistances des communautés locales, est une perte de temps. La restauration des paysages doit être faite pour et avec les communautés. En plus du marché, il faut ajouter la notion des droits humains, de la gouvernance locale, des us et coutumes des communautés à impliquées dans la restauration. Dans cette nouvelle économie de la restauration, tout est lié. J’ai terminé cette formation avec un panier de compétences disponibles pour l’intérêt de notre pays et des communautés qui se battent pour la protection de leurs forêts.
Sylvie: Y a-t-il un module ou un exercice pratique qui vous a particulièrement transformé dans votre manière de voir la forêt et l’environnement ?
Justin: Tous les modules était intéressant, bien fouillés et avec des ressources supplémentaires. Les échanges d’expériences et les visites de terrains m’ont personnellement marqué. Nous avons visité des paysages gérés par des femmes, par des acteurs amoureux de l’environnement. Nous avons visité des forêts gérées par des municipalités et d ‘autres gérées sous partenariats publics privés. L’Agence Suédoise des forêts via son programme LocoForest, a un modèle d’élaboration de projet de changement très détaillé et utile pour les acteurs de la restauration.
Sylvie: Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à la restauration des paysages forestiers dans votre contexte local?
Justin: Malgré bien des financements de la restauration de paysages forestiers et agricoles en RDC, les résultats ne suivent pas. Les principaux obstacles sont entre autres le manque de financement alternatifs des activités de restauration, les conflits armés qui déciment la faune et la flore, l’approche dépassée de restauration, la non-implication des communautés dans la planification, la conduite, l’évaluation des activités de restauration. Nous pensons, qu’il est temps de changer le paradigme. Il est temps de passer de la protection policière à la restauration par coopération. L’humain devrait être au centre de toute restauration car sans l’humain, il est difficile de projeter un développement durable de la biodiversité. La nouvelle économie de la restauration prend en compte ces dimensions : sociales, économiques, culturelles, droits humains,
Sylvie: Comment vos acquis peuvent contribuer à améliorer la gouvernance des ressources naturelles et la participation des communautés locales ?
Justin: Le chemin pour la RDC est encore long en ce sens, mais l’espoir est permis. En adoptant l’approche de développement des chaines de valeur, de la gouvernance, de la gestion Intégrée des ressources en eau, l’implication directe des différents parties prenantes, il est possible d’atteindre des résultats probants dans un temps record.
Sylvie: Qu’avez-vous appris des échanges avec les autres participants venus de différents pays? Et Comment cette diversité culturelle et scientifique a enrichi votre vision de la restauration forestière ?
Justin: Après cette formation, je suis rentré avec plus de 20 projets. Oui 20, car lors des exposés, j’ai participé à la présentation des projets des collègues d’autres pays. Imagine un Sénégalais développe un projet de protection de mangroves par le développement des chaines de valeur huitres et miel. C’est un projet faisable en RDC dans la forêt de mangrove de la RDC vers le Congo central. Un autre développement un projet d’écotourisme, c’est un projet faisable à Idjwi et ailleurs, l’autre encore développe un projet de gestion des forêts communautaires et ancestrales, … Nous avons beaucoup appris des uns et des autres.
Sylvie: Quelle est votre vision pour les paysages forestiers de votre région(province, pays ) dans les 10 prochaines années ?
Justin: Pour les paysages forestiers congolais, il faut une vision globale et concertée allant de l’élaboration de politiques publiques adaptées, au financement alternatif des activités de restauration en passant par l’engagement des parties prégnantes. Sans cette synergie d’acteurs (chercheurs, société civile, média, communauté locale, gouvernement, partenaires…), il sera difficile que la RDC continue d’être « pays solution ». Entant que chercheurs et expert du domaine, nous serons toujours là pour contribuer au développement durable d’un paysage où l’humain cohabite avec son environnement. Les outils existent et les ressources humaines immenses, il faut juste les mobiliser.
Sylvie: Comment comptez-vous partager votre expertise pour inspirer d’autres acteurs, notamment les femmes et les jeunes?
Justin: Dans mon travail de chaque jour je travaille avec les organisations de la société civile et les entreprises qui restaurent le paysage du lac Kivu et de la rivière Ruzizi. Cette formation va être un plus dans le paquet d’accompagnement que WRI donne à ses champions. Entant que journaliste, activiste et chercheur, je vais continuer mon rôle de catalyseur, de partage d’informations à d’autres acteurs qui veulent apprendre de notre modeste expérience.
Sylvie: Comment comptez -vous partager votre expertise pour inspirer d’autres jeunes et acteurs du secteur ?
Justin: Etant actif sur les réseaux sociaux et membres de plusieurs réseaux de celui de la Synergie des journalistes pour le développement durable, SYJD, je vais poster régulièrement les bonnes pratiques de la restauration des paysages ; discuter avec les consœurs et confrères journalistes lors de conseils de rédaction commun pour qu’ils s’intéressent aux activités de l’environnement.
Propos recueillie par Sylvie NABINTU




